Expressions faciales de Michael Cohen devant le congrès, le 27 février 2019

[Initialement publié le 28 février 2019]

https://youtu.be/JjJX08dggYE

Michael Cohen a travaillé pendant plus de 10 ans avec le président Donald Trump. Toutefois, en 2017, M. Cohen rompt ses liens avec M. Trump et choisit de coopérer avec la justice. Hier, le 27 janvier 2019, Micheal Cohen a témoigné devant le House Committee on Oversight and Reform des États-Unis. Son témoignage a duré plus de 7 heures. Notre analyse se limite à la première demi-heure de son témoignage, soit lorsqu’il a livré sa déclaration d’ouverture. Notre objectif était de mesurer quelles expressions faciales Michael Cohen a affiché pendant ce moment initial très important pour tenter d’asseoir sa crédibilité, laquelle a été entachée par ses choix et engagements antérieurs. L’analyse est donc sommaire. Il serait possible d’aller beaucoup plus loin.

L’analyse automatisée des expressions faciales indique que Michael Cohen a surtout affiché de la tristesse, de la surprise et de la peur. La présence de tristesse apparait cohérente avec cette émotion qui apparait lorsqu’une personne a subi une perte (M. Cohen a affirmé : « My loyalty to Mr. Trump has cost me everything — my family’s happiness, my law license, my company, my livelihood, my honor, my reputation and soon my freedom »). La tristesse a également pour fonction d’attirer la compassion. La surprise, quant à elle, peut se manifester par la levée des sourcils. Lors de son témoignage, M. Cohen a levé des sourcils intérieurs et extérieurs très fréquemment (respectivement 57% et 53% du temps). Toutefois, hormis sa présence lorsqu’elle éprouve de la surprise, une personne peut lever les sourcils pour capter l’attention de l’auditoire, pour mettre l’emphase sur ses propos. Dans les circonstances, il nous apparait davantage probable que cette expression ait cette fonction, plutôt que d’exprimer une émotion de surprise. La peur, quant à elle, semble également appuyer les propos de Michael Cohen, considérant que lui et sa famille font l’objet de menaces et qu’il craint les conséquences de laisser Donald Trump au pouvoir. L’absence de joie était attendue. Toutefois, l’absence de colère et la faible fréquence de dégoût pourraient apparaître surprenante. Le témoignage de M. Cohen à l’encontre de M. Trump était explosif. Cependant, la faible présence de ces expressions faciales lorsque Michael Cohen a livré sa déclaration d’ouverture traduit une bonne capacité de régulation émotionnelle et probablement son souhait de livrer un message de la façon la plus neutre possible afin de tenter d’assoir sa crédibilité.

Nous pouvons mettre en perspective ce résultat en consultant des articles révisés par les pairs, notamment ceux qui découlent des études menées par Lawrence Ian Reed, professeur au département de psychologie de l’Université de New York, et de ses collaborateurs. Dans leurs études, ces chercheurs ont démontré que les expressions de tristesse peuvent augmenter la crédibilité d’une personne qui évoque une perte [1] et que les expressions de peur peuvent augmenter la crédibilité d’un avertissement de danger [2]. En somme, les expressions faciales de M. Cohen semblent cohérentes avec le message qu’il souhaitait probablement faire passer et ont sans doute joué positivement sur sa crédibilité.

Évidemment, la crédibilité d’un témoin ne se limite pas à sa communication non verbale. En effet, plusieurs autres facteurs sont importants, incluant la nature des propos que celui-ci tient. De plus, la crédibilité d’un individu étant une caractéristique très subjective, un témoin peut apparaitre crédible aux yeux de certaines personnes et pas du tout aux yeux d’autres. Toutefois, les expressions faciales et la gestuelle peuvent néanmoins jouer un rôle très important sur la crédibilité d’un témoin. Dans certains procès, par exemple, la communication non verbale d’un témoin peut, ni plus ni moins, déterminer leur issue [3]. Évidemment, dans le cas du témoignage de M. Cohen, une analyse complète devrait porter sur l’ensemble de son témoignage (plus de 7 heures). Notre analyse est donc sommaire et devrait être appréciée en conséquence.

Si vous souhaitez en savoir davantage sur les connaissances révisées par les pairs sur la communication non verbale, vous vous invitons à suivre les travaux du Centre d’études en sciences de la communication non verbale du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal à l’adresse suivante : http://www.sciencenonverbal.ca

Pierrich Plusquellec

Professeur agrégé, École de psychoéducation (Université de Montréal)

Vincent Denault

Candidat au doctorat, Département de communication (Université de Montréal)

Pour aller plus loin :

[1] Reed, L.I., & DeScioli, P., 2017. The communicative function of sad facial expressions. Evolutionary Psychology, 15(1), 1-9. http://doi.org/10.1177/1474704917700418

[2] Reed, L.I., & DeScioli, P., 2017. Watch out! How a fearful face adds credibility to warnings of danger. Evolution and Human Behavior, 38(4), 490-495. http://doi.org/10.1016/j.evolhumbehav.2017.03.003

[3] Denault, V. (2015). Communication non verbale et crédibilité des témoins. Cowansville, Canada: Éditions Yvon Blais.