Analyse des expressions faciales de Nicolas Hulot pendant son entrevue sur France Inter, le 28 août

[Initialement publié le 29 août 2018]

https://youtu.be/YJZa90g9WSk

Le 28 août dernier, Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire du gouvernement français, démissionne en direct sur les ondes de France Inter.

Pour apporter un éclairage non verbal à cet évènement hors du commun, nous avons analysé les expressions faciales de Nicolas Hulot tout au long de cette entrevue en la découpant en 6 moments distincts: AVANT (avant son annonce surprise), PENDANT (au cours des 20 secondes que dure cette annonce), EXPLICATION (les quelques minutes suivantes, lorsque les journalistes lui demandent pour quelle raison il démissionne), POURQUOI DÉCISION (les minutes au cours desquelles il répond aux journalistes quand au moment où il a pris cette décision), MACRON (lorsqu’il parle de sa relation avec le chef de l’État), REACTIONS (lorsqu’il entend les premières réactions publiques et y répond).

Les expressions faciales ont été analysées en utilisant le Facial Action Coding System, le système de codification faisant consensus dans la communauté scientifique et permettant de relier les unités d’action du visage aux émotions. Ce système a été créé par Paul Ekman et Wallace Friesen dans les années 70s. Pour plus de détails, vous pouvez vous référer au lien suivant: https://www.paulekman.com/product-category/facs/

Dans la figure 1, les analyses d’expression faciale nous indiquent que:

L’émotion prépondérante affichée par Nicolas Hulot au cours de son entrevue est la dégoût (13,9% sur l’ensemble). Cette expression faciale atteint des pics au moment où il annonce sa démission, et où il l’explique dans les minutes qui suivent. Rappelons que le dégoût est une émotion que nous utilisons lorsque nous sommes en présence d’un objet ou d’une situation qui peut nous contaminer et altérer notre santé. Les mots de N. Hulot à ce sujet sont assez clairs puisqu’il « ne souhaite plus se mentir » et il dénonce en particulier le rôle des lobbyistes dans l’exercice démocratique. Un monde, que par sa démission, il semble donc vouloir rejeter de crainte de « se contenter d’une politique des petits pas » alors que l’enjeu est la survie de l’humain.

La figure 1 nous indique également une absence de colère (moins de 0,5% au long de l’entrevue), avec un léger pic à 1,09% dans la section AVANT.

Dans la série « absence d’émotions », on remarque que les émotions positives sont peu présentes pendant l’entrevue… et pour cause, N. Hulot vient ici annoncer « la décision la plus difficile de sa vie ». Notons que les émotions positives réapparaissent lorsque N. Hulot évoque Emmanuel Macron pour lequel il garde « une grande admiration ».

La peur semble présente (en faible % toutefois) AVANT son annonce puis au moment d’entendre et de réagir aux premières RÉACTIONS publiques.

Le mépris (autour de seulement 3%) apparait surtout présent AVANT son annonce de démission, probablement un moyen de masquer son dégoût et sa tristesse.

La tristesse en effet est présente, mais sans excès (environ 3%), et dépasse ce pourcentage au moment où N. Hulot évoque sa prise de décision, et au moment où il écoute et répond aux réactions publiques. La tristesse est une réaction qui survient quand une personne a subi une perte… ici un combat…

La présence de surprise est énigmatique si on s’en tient à ce niveau d’analyse. Pour la comprendre, il faut descendre à un niveau d’analyse plus fin, celui des unités d’action (tableau 1)

Sur ce tableau, on constate en effet que les AU1 et AU2 sont très présentes. Cela indique que Nicolas Hulot a beaucoup soulevé ses sourcils au cours de l’entrevue. Le lever de sourcils est typique de la surprise. Toutefois, il est aussi souvent employé pour appuyer des idées, convaincre, ce qui serait plutôt le cas ici.

L’AU10, 15 et 17 sont aussi très présentes, en particulier pendant l’annonce. Ces unités d’action sont constitutives du dégoût (AU10, AU17) mais aussi de la tristesse (AU15, AU17). Il serait donc plus juste selon ces résultats de dire que N. Hulot affiche souvent lors de cette entrevue une émotion mêlée de tristesse et de dégoût, la tristesse traduisant la perte de son statut, de son désir de changer les choses par le biais du gouvernement en place, et le dégoût traduisant le besoin de s’éloigner d’un milieu qui ne répond pas à ses valeurs, et pourrait même s’avérer dangereux pour son équilibre de vie et la force de ses convictions.

Rappelons enfin que si le dégoût sert à exprimer son rejet de la politique (des lobbyistes par ex), de la stratégie des petits pas, la tristesse a pour fonction d’indiquer le besoin de récupérer des ressources et demander de l’aide. N. Hulot a dit à plusieurs reprises qu’il se sentait esseulé dans ce combat, et avait besoin d’une armée pour le mener, voire même d’un front populaire, et qu’il espérait que son geste allait permettre une prise de conscience collective.

Pour terminer, nous pouvons souligner la grande cohérence entre les propos de M. Hulot et son expression faciale, laquelle semble traduire son honnêteté dans sa démarche et une certaine maîtrise de ses émotions, des qualités propres à une personne qui défend ses convictions avec dignité.